Histoire :
Minuit. La grande horloge de la ville sonna ses douze coups, tendis que chacun rentrait chez lui. Il faisait nuit noire. Seul l'éclat argenté de la lune éclairait un tant soit peu les maisons et les ruelles, si on ne tenait pas compte des rares lampadaires qui s’y trouvaient. Ces dernières projetaient des ombres inquiétantes sur les murs. Avec un peu d'imagination, on pouvait voir des ombres humaines, animales, tels des monstres guettant les passants le soir venu.
De rares personnes osaient s'aventurer en dehors de leurs maisons encore à cette heure, souvent des voyageurs ne connaissant pas les lieux. Des nouveaux venus, peu prudents. Ce n'était pas faute de les avoirs prévenus; lorsqu'on les mettait en garde de ce qu'il se tramait la nuit, ils répondaient tout simplement : « Un monstre ? Ce ne sont que des ragots de vieilles femmes. » Mais, leur avaient on parlé d'un monstre... ? Ils étaient si fragiles, une fois sortis de l'auberge, à la merci de la nuit. Ou de ce qu'il s'y cachait... Et malgré le fait qu'on prévenait les voyageurs, certains, presque toutes les nuits, souvent des jeunes, s'attardait dehors le soir. Après tout il n'y avait personne, se promener tard le soir c'est agréable non ? Profiter, admirer les étoiles... Ce soir la, c'était juste pour faire l'idiot avec des amis. Ils étaient trois. Deux jeunes garçons, et une fille. Ils devaient avoir aux alentours de seize ans. Ils riaient bruyamment, marchaient dans la rue... Insouciants de la présence qui les observait. Des proies faciles, voilà ce qu'ils étaient. Des petites souris, ne sentant pas les yeux affamés du chat rivés sur leurs petits cous tendres. Ils marchaient, riant. L'un d'eux, le garçon le plus jeune, entendit un étrange souffle dans le vent. Il cru entendre une voix... Il ne distinguait pas clairement cette dernière...
« Vous avait entendu ? »
La fille se retourna vers lui et demanda :
« Entendu quoi ?
- Tu as trop bu. » Rajouta le second homme.
Le garçon ne faisait plus attention à eux. Il regardait dans le vague, comme hypnotisé par quelque chose. Soudain, la voix reprit. C'était une mélodie, comme une berceuse. La voix était douce, hypnotisante, une voix de velours. C'était comme si on l'appelait, le garçon ne put y résister. Il était attiré par cette voix. Etait-ce une voix d'homme ou de femme ? Il ne la distinguait pas assez clairement pour en juger.
« Hi miss, Alice... Anata, garasu no me de, donna yume o... Mirareru no...? » *
Il s'éloigna de ses deux amis, sans que ceux ci fassent attention. La voix venait d'un peu plus loin. Il la suivait. C'était comme si cette mélodie jouait avec lui; il l'entendait comme si elle se trouvait à coté, soudain elle s'éloigna. Elle se rapprochait et s'éloignait, conduisant le garçon loin, plus loin encore des lumières... Il passa par des jardins, sauta au dessus de barrière, marcha entre deux maison. La musique le promenait à travers toute la ville. Puis, cette fois, il l'entendit clairement. La mélodie arrêta de jouer avec lui. Elle l'avait conduit dans une ruelle sombre, déserte, personne ne passait jamais par ici. C'était un cul-de-sac. C'était une voix douce, une voix de fantôme. C'était comme un souffle, comme si le vent était entrain de chanter :
« Mata, atashi... Kokoro ga sakete... Nagarederu... »
D'où venait la voix ? Cette musique si envoûtante ? Il entendit un bruit de clochette, et sentit soudain un souffle de vent, comme si quelqu'un était passé rapidement derrière lui. Il sursauta et se retourna vivement. Personne. La musique continuait. Un sentiment vint dans sa poitrine. Peut être de l'angoisse, de la peur. Ce que ressentent les proies en sentant l'odeur de leur prédateur. L'envie de fuir. Mais la voix le retenait. Elle était si envoûtante... Elle le retenait prisonnier, tels des serres, une chaîne l'empêchant de suivre son instinct et de partir. Il entendit de nouveau le bruit de clochette, et se retourna. Il cru voir une ombre passer devant lui, il recula si rapidement qu'il tomba à terre. Et c'est là, qu'il vit sa silhouette, une ombre noire se découper devant la lune d'argent. Il put voir ses yeux jaunes briller dans la nuit, et sourire de toutes ses dents pointues. Un sourire qui lui donnait des frissons. La bouche aux crocs acérés s'ouvrit, et termina de sa voix de velours :
« Hi miss Alice. »
Le garçon ne pouvait détourner les yeux de cette étrange apparition. Cette ombre, cette silhouette, c'était comme celle d'un félin. Il voyait bien, ses oreilles pointues et poilues dépasser de sa tête. Ses yeux jaunes et brillants, ses crocs... Mais, le chat parlait. Pire, il chantait une berceuse. Mais l'apparition s'était tut. Elle ne chantait plus. Mais depuis que la musique était arrêtée, le garçon était comme paralysé.
Le 'chat' ricana. Le garçon, en observant un peu mieux, vit qu'il s'agissait d'un humain, un homme sans doute. Il portait un gilet à capuche, des oreilles de matou en sortait. Il cru voir des rayures roses et noires sur ses vêtements. Le garçon pensa au chat d'Alice au pays des merveilles. Un matou au grand sourire qui disparaissait en un clin d'oeil et réapparaissait sur l'autre branche d'un arbre. Mais là, il ne s'agissait pas d'un compte de fée. Dommage pour lui. L'inconnu ricana doucement. Il était assit sur le bord du toit d'une maison, les jambes se balançant dans le vide.
« Bonsoir... Dit il de sa voix mélodieuse, ne sais tu donc pas qu'il ne faut pas se promener dehors tard le soir ? »
Pas de réponse. Le jeune garçon continuait de le fixer, ne sachant que dire. L'homme sourit de nouveau, montrant ses crocs aussi blancs que de la porcelaine. Il s'allongea sur le coté, ses mouvements étaient presque félins. Le garçon vit que l'inconnu avait des cheveux d'un rose pétant. Puis le mystérieux inconnu sortit de l'intérieur de sa veste, une petite montre gousset, une montre dorée rattaché par une chaîne à l'intérieur de sa veste. Il tourna ensuite ses yeux dorés, en amande, vers le garçon, lui sourit et dit :
« Ça t'intéresse une énigme ?
- Une... Enigme ? »
Le garçon avait recouvré sa voix. Mais elle était monté dans les aigus avec sa peur. Il montra un objet, assez gros, caché au coin du cul de sac.
« Elle n'avait pas su répondre. »
Le félin regarda sa montre :
« soixante secondes... »
Puis il appuya sa tête sur sa main griffue et dit en le regardant d'un air amusé :
« Je suis dans l'étang, au fond du jardin.
Je me cache au début de la nuit, au bout de ta main.
On me voit deux fois dans l'année,
Une fois en automne, jamais en été.
Qui suis-je ? »
Le garçon regardait l'étrange homme. Une énigme ? C'était tout ? Que gagnait il en échange ? Il aurait pu partir, ne pas répondre, mais... Ses membres se refusaient à bouger. Etait-ce ça, avoir peur ? Il continuait de regarder l'homme aux oreilles de chat. Il cru distinguer un objet brillant accroché à sa ceinture... Qu'est ce que c'était ? L'inconnu avait les yeux rivés sur sa montre dorée. Le garçon ne pouvait partir, et une voix dans sa tête lui demandait de trouver la réponse à l'énigme, très rapidement.
Car, ce qu'il y avait accroché à la ceinture du félin, c'était un couteau.
Un frisson lui parcouru le dos. Qu'avait il dit ? "Elle...N'as pas su répondre...?" Il tourna ses yeux vers l'ombre au coin du cul de sac, loin devant lui : c'était la fille, qui les accompagnait lui et son ami tout à l'heure. Il faillit vomir, ne pouvait détacher ses yeux du corps sans vie. Elle avait la gorge ouverte, et se vidait lentement de son sang. Elle semblait le regarder, demander de l'aide. Elle bougea faiblement sa main, et la pointa vers lui. C'était trop tard pour elle. Elle allait mourir, doucement, à petits feux...
Le garçon, dont la voix était montée encore plus dans les aigus s'écria :
« Vous pouvez répéter l'énoncer ?!
- Plus que trente deux secondes... »
Qu'est ce que c'était déjà ? Je suis dans l'étant, au fond du jardin... Je me cache au début de la fin, au bout de ta main... Quelle était la réponse ?
« vingt secondes... »
Le garçon était affolé. Quelle était la réponse ? Vite, il fallait... Il ne voulait pas mourir comme la fille, la gorge tranchée comme un porc qu'on vide de son sang... "on me voit deux fois dans l'année, une fois en automne, jamais en été..."
Et c'est alors, qu'il trouva la réponse :
« N ! C'est la lettre N ! »
L'inconnu appuya sur un bouton en haut de la montre à gousset et se mit à sourire :
« moins cinq secondes. »
Il se redressa, et rangea sa montre :
« Bravo, tu as gagné... »
Le garçon soupira. Il avait réussit. Le coeur battant il allait se relever, quand soudain il sentit quelqu'un l'attraper par la gorge. La voix fantomatique lui susurra à l'oreille :
« Tu as gagné... »
Le jeune garçon jeta un coup d'oeil au toit qui se trouvait en face de lui. Il avait disparut. Comment était il venu ici aussi vite ? La main de l'homme le tenait fermement à la gorge, ses ongles pointus s'enfonçaient dans sa chaire. Il ne pouvait plus parler, il ne pouvait plus crier. Ça lui fait mal, horriblement mal. L'homme aux yeux dorés posa son nez sur les cheveux du garçon, et dit :
« Trop jeune... Dommage... »
Il se figea. Il sentait à présent quelque chose de dure et froid sur sa tempe. La lame du couteau le transperça comme un morceau de pastèque. Les yeux du garçon se voilèrent, un jus rouge coula le long de son cou. L'assassin sortit son couteau de la tête du cadavre, et laissa tomber le corps de sa jeune victime sur la pelouse. Il se lécha les ongles, ceux qui étaient plantés dans la gorge de sa proie. Ils étaient couverts de sang. Il essuya son couteau sur l'herbe, et le remit à sa ceinture. Il grimpa sur le toit d'une autre maison, et c'est alors qu'il murmura de sa délicieuse voix de velours :
« Le gagnant meurt vite, le perdant meurt lentement. »
C'est ainsi, et ce depuis pas mal de temps, que Cheshire tuait ses proies. Le troisième garçon était mort peu de temps après. Avant c'était un jeune homme de bonne famille, bien habillé, bien élevé... Si ce n'est qu'il avait un problème mental. Obsédé par le sang, fasciné par le bruit d'un fruit qu'on découpait. Agé de seize ans à peine, il avait tué ses parents. De toute manière, ils refusaient toujours de l'écouter. L'éduquer, c'était bien la seule chose qu'ils avaient fait pour lui.
Et sa douce Alice, une jeune fille aux cheveux blonds, clairs, aux yeux doux et bleus... Si intelligente, si cultivée, si douce et gentille... Lui, Cheshire, l'avait toujours aimé en secret... Ils étaient amis. C'était la seule personne à le reconnaître à sa juste valeur... Lorsqu'il avait "perdu sa famille dans un tragique accident" elle avait été là pour le soutenir. Mais elle ?
Un homme, bourré sans doute, avait coincé Alice dans un cul de sac. Pourquoi elle ? Sa beauté sans doute, sa peau pâle, son aspect fragile... Son odeur de rose... L'homme était bien plus fort qu'elle, si Cheshire n'était pas intervenu Alice n'aurait sans doute été qu'une petite souris dénudée, morte dans un coin de rue. Mais Cheshire la suivait, toujours après qu'elle soit sortie de son école de jeune fille, pour la protéger. Il se sentait comme son ange gardien.
Pourquoi ne lui avait elle plus parlé par la suite ? Il avait juste voulu la protéger. Peut être était-ce le fait de l'avoir vu tuer, trancher la gorge de l'homme. Le sang qui avait giclé sur le visage de ce pauvre chaton...
Depuis, elle ne lui avait plus parlé. Mais elle n'avait jamais rien dit à personne. Cheshire avait eut le coeur brisé, par une petite rose blanche. Il voulait la voir, lui demander pardon... Mais elle ignorait ses coups désespérés à la porte... Elle s'était fiancé à un autre, un homme blond, aux yeux bruns, de bonne famille, riche... Il empêchait Cheshire de venir la voir, l'insultait, le chassait. Sans doute en était il mieux ainsi, elle aurait été heureuse avec lui. Mais alors qu'elle était enceinte de trois mois, elle avait eut un accident de train avec son mari. Il avait déraillé. Bizarrement, Alice aimait les comptes de fée, son personnage préféré était le chat de Cheshire. Elle avait été une petite fille élevée dans du coton, ignorant les malheurs de ce monde qui se passaient en bas de sa tour d'ivoire.
Cheshire continuait de penser à elle, de temps à autre. Maintenant, il ne voulait plus protéger. Il voulait tuer. Chasser ses proies. C'était un opportuniste, guettant la moindre occasion... Sans risques pour lui, cela allait de soit. Il aimait jouer au jeu du chat et de la souris, inventer de nouvelles énigmes... A part ça il aimait la littérature, les livres, les histoires que lui racontaient Alice autrefois. Oui, c'était un gentil garçon... Si on ne faisait pas attention au fait qu'il s'agissait d'un tueur en série, il était relativement sympa.